Notre directeur de circuit, Marcel Cloutier, nous fait voyager avec son histoire rocambolesque survenue lors de son accompagnement en Inde du Nord.
Bonne lecture…
Plusieurs d’entre nous détestons la routine et privilégions les changements. Je suis un de ceux-là. Cela dit, un des rares moments pendant lesquels je ne souhaite aucun imprévu, c’est bien lorsque j’assume les tâches de directeur de circuit. Unanimement, je crois que mes collègues et moi aspirons tous à un accompagnement sans pépin, sans mésaventure et sans anicroche.
À l’automne 2017, j’ai effectué un accompagnement de 24 jours en Inde du Nord. J’avais un très bon groupe et un excellent guide; une belle chimie s’était installée. Toutes les activités au programme se déroulaient comme prévu. La météo était très clémente. Nous avions même eu la chance d’apercevoir un tigre pendant le safari au Parc de Ranthambore. Tout se passait selon le plan. Rien ne pouvait briser cette cohésion quasi parfaite.
Au jour 13, Passion Monde à Montréal m’informe qu’un vol intérieur, devant nous transporter de Khajuraho vers Varanasi au jour 20, est compromis. L’aéroport local fermera pendant trois jours empêchant tous départs et arrivées. Passion Monde me signale cependant qu’ils étudient avec le réceptif local les alternatives au vol. Je suis rassuré, mais tout de même inquiet. Tout allait si bien!
Au fur et à mesure que les jours passent, toujours pas d’alternatives viables en vue. L’aéroport étant également fermé la veille et le lendemain de notre déplacement prévu, nous ne pouvons modifier le programme au point d’attendre sa réouverture ou encore de devancer notre départ. Il faut donc choisir un autre mode de transport. Le train est considéré, mais s’avère impraticable. Nous sommes trop loin des circuits possibles. Il faudrait quasiment retourner à Delhi par une série de trains locaux avant de poursuivre notre route vers le sud-est. Il y a l’autobus. Par contre, il n’y a pas de routes goudronnées, praticables et empruntées par les autobus dans cette région du pays. Il n’y a, non plus, ni installations sanitaires ni restaurants pouvant accueillir autobus et passagers. De plus, l’autobus que nous utilisons depuis le début du circuit doit nous quitter immédiatement après notre départ de Khajuraho et n’est donc plus disponible. Il faut préciser qu’en Inde, Passion Monde loue des autobus de grand luxe style Mercedes, Volvo, etc., pour offrir un confort adéquat à ses clients. L’état des routes est souvent mauvais et l’utilisation d’autobus locaux, tels ceux du fabricant Tata, sur de longues distances rend tous voyages éprouvants. Que faire?
Finalement, Passion Monde m’informe un peu plus de 48 heures avant cette journée fatidique que toutes les options ont été étudiées attentivement et que, tout compte fait, le trajet se fera en autobus, de style Tata par surcroît! Oh là là! Il faut maintenant annoncer aux clients que le déplacement en vol d’une durée d’à peine une heure sera remplacé par un trajet d’autobus d’une douzaine d’heures. Bon, je me résigne et j’explique la situation. De plus, je remets une lettre à chacun des clients dans laquelle Passion Monde mentionne que ce contretemps est hors de son contrôle tout en indiquant qu’un remboursement équivalent à cette portion du transport aérien sera envoyé sur-le-champs à chacun des passagers. Tous ont bien compris. Cette dure étape maintenant passée, il faut bien sûr essayer de rendre ce trajet des plus agréables. Douze heures non prévues en Tata, il faut s’y préparer! Giri, mon sympathique guide, et moi nous mettons à la tâche pour planifier ce trajet en y insérant quelques surprises.
La matin du Jour 20 venu, nous montons dans ce fameux autobus. Quel contraste! Les sièges sont nettement moins confortables et, pour une raison quelconque, ils sont très hauts du sol empêchant les personnes de petite taille d’avoir les pieds qui reposent sur le plancher. Assez incommodant! Giri et moi nous mettons à fabriquer des repose-pieds avec de vieilles boîtes de boissons gazeuses pour remédier à cet inconfort. C’est bruyant aussi. Mais bon, la climatisation fonctionne. Important car il fait chaud dehors. La route est très mauvaise. Le chauffeur doit contourner les innombrables nids-de-poule si bien qu’il n’arrive pas à rouler à plus de 40 km/h. Les nombreux motocyclistes que nous rencontrons sont tous très surpris de voir un autobus circuler dans ce coin de pays. Notre chauffeur nous informe que les habitants des environs ont peu l’habitude de voir des touristes. Pour certains, c’est la première fois. Qu’à cela ne tienne, nous sommes étonnés par le paysage pittoresque et complètement inconnu qui s’offre à nous. Nous sommes certes confrontés à la dureté de la vie des habitants, mais nous ne pouvons qu’être admiratifs devant la sérénité qui se dégage des gens, ajoutée à l’élégance du mouvement des saris colorés et jumelée aux sourires contagieux de tout un chacun. Nous sommes vraiment en dehors des sentiers battus.
Vient, bien sûr, le temps de la pause technique. Aucune station service à des kilomètres à la ronde, aucun restaurant à l’horizon, il faut se résigner! Par ici une série de buissons : les femmes à gauche, les hommes à droite! Et on continue…
Régulièrement, nous nous arrêtons pour prendre des photos et se dégourdir les jambes. À chaque occasion, les habitants viennent nous voir. Comme notre chauffeur nous l’a si bien décrit, beaucoup de locaux n’ont jamais eu de contacts avec des touristes. Nous sommes des objets de grande curiosité pour eux.
Puis vient le temps du dîner. Notre chauffeur nous propose un magnifique endroit sur le bord du chemin avec un gros arbre sous lequel nous pourrons pique-niquer. En effet, pas de restos dans le coin. De notre hôtel de la veille, j’avais fait préparer de superbes boîtes repas que Giri et moi distribuons à chacun de nos convives. En surplus, nous avons débouché quelques bouteilles de vin, question de rendre le moment choisi des plus agréables. Il n’en fallait pas plus pour créer une ambiance festive. Ce qui se présentait pour certains comme un vulgaire et banal repas s’est transformé en un festin champêtre en plein coeur de l’Inde, loin des circuits habituels. Bien sûr, les habitants du coin, peu habitués à ce genre d’événements, sont venus nous saluer. Ils étaient hyper accueillants, bien entendu curieux et nullement intimidés par notre présence. Quelques-uns baragouinaient un peu l’anglais et voulaient en connaître plus sur nous. Il va sans dire que nous avons fait de très très belles rencontres. Il a tout de même fallu se résigner à repartir; quelques-uns n’en finissaient plus de prendre photos et d’échanger des sourires et poignées de main. Des moments magiques!
Cette bonne humeur s’est prolongée tout l’après-midi dans l’autobus où nous avons entonné de nombreuses chansons à répondre et plusieurs autres ritournelles du répertoire québécois agrémentées de quelques pièces de folklore indien, courtoisie de notre guide Giri. Ce long trajet a été loin d’être désagréable comme plusieurs l’appréhendaient.
Le plus beau compliment m’est venu d’un client qui a écrit dans son sondage que cette journée avait été une des plus réussies du voyage. Un autre a suggéré à Passion Monde d’incorporer ce trajet au programme à l’avenir. Oui, ç’a été une longue journée, un peu fatigante il va sans dire, mais drôlement valorisante et culturellement très enrichissante. Comme quoi la routine fait souvent place à de merveilleux imprévus.
Bonne route,
Namasté!
Marcel Cloutier